“L’emballage du futur, c’est tout simplement le juste emballage” – Fabrice Peltier (La révolution de l’emballage)

13 min lecture 24 juin 2021

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblera l’emballage du futur ? Comment il réussira à s’adapter aux attentes des consommateurs, aux législations actuelles et à venir, et surtout, aux nécessaires réflexions environnementales qui animent nos sociétés ?

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Pour nous projeter dans cet avenir, nous avons interviewé Fabrice Peltier, designer et consultant en éco-conception, à l’occasion de la sortie de son nouveau livre, La révolution de l’emballage – Première période : L’émergence de nouvelles solutions.

Il nous parle du parcours qui l’a mené au développement de ses méthodologies d’éco-conception et de sa vision de l’emballage du futur.

Prêt à vous projeter dans les dix années à venir ?

Interview de Fabrice Peltier à l'occasion de la sortie de son livre, La Révolution de l'Emballage

Fabrice, quel a été votre premier rapport à l’emballage, au packaging ?

Aujourd’hui, j’arrive à retracer mon parcours, et à comprendre que tout a commencé dans mon enfance. Il y a plus de 50 ans, j’étais alors un enfant, je vivais à la campagne, entre la Lozère et l’Ardèche. Dans ces petits villages français, à l’époque, le sort du déchet était clair : il finissait souvent abandonné au contrebas d’un virage à la sortie de l’agglomération.

Alors que j’avais à peine dix ans, avec mes frères, nous avions fondé une association pour la protection de la nature. Le week-end, nous nous employions à vider les dépôts sauvages de déchets : c’est là que j’ai eu mon premier contact avec l’emballage. Je ne prenais pas encore pleinement conscience de son impact environnemental : c’était juste des ordures, et je réfléchissais plutôt à comment ne pas me faire mal avec, à ne pas me couper, par exemple, avec des boîtes de conserve rouillées et des morceaux de verre.

Ainsi, j’ai été confronté à une éducation et à un mode de vie proche de la nature, et ai été sensibilisé à la protection de l’environnement, au gaspillage, aux déchets et par voie de conséquence, à l’emballage par ce biais. Ce n’était pas une vie militante, mais plutôt une sensibilité et un mode de vie qui se sont développés très tôt chez moi.

C’est cette enfance qui vous a poussé à vous orienter vers le design packaging ?

Pas réellement. Je n’étais pas mauvais en dessin. J’avais d’ailleurs gagné mon premier concours de dessin, dans les années 70 : c’était un concours organisé par l’UNESCO pour promouvoir la protection de l’environnement, face aux premières catastrophes écologiques. C’est cet attrait pour le dessin qui m’a poussé à faire mes études d’impression et de graphisme à l’École Estienne à Paris.

Je deviens ensuite immédiatement graphiste indépendant. Et c’est là que je commence à vivre l’emballage d’un point de vue professionnel : l’un de mes premiers clients me demande de créer un packaging, et s’en suivent d’autres créations graphiques similaires.

Je prends alors conscience que les emballages, que j’avais identifiés étant enfant comme des déchets… c’était bien moi qui les créais désormais.

Comment vous êtes-vous ensuite orienté vers l’emballage plus respectueux de l’environnement ?

Au début des années 90, on commence à parler de recyclage des emballages. En parallèle, une écologie politique naît ; mais je m’y intéresse peu, tant l’environnement est pour moi une cause a-politique, une valeur plutôt humaniste.

Dès la mise en place d’Éco-Emballages, je m’intéresse au recyclage et j’en deviens un fervent promoteur. J’essaye aussi de répandre très rapidement le message disant que les designers d’emballages sont responsables de l’impact environnemental de leurs créations ; et que, s’ils ne font rien, ils seraient bientôt coupables. En parallèle de mon activité de designer, j’écris des articles, notamment dans Emballage Magazine, mais aussi des livres.

En tant que concepteur d’emballages, j’essayais de m’occuper de l’emballage “du berceau à la tombe” ; mais je me rendais compte que je me contentais en fait “d’habiller le mort”.

Alors, il y a une dizaine d’années, j’ai concrétisé une idée qui était déjà ancienne : me séparer de mon agence, pour devenir consultant en emballage. Je m’étais rendu compte qu’en tant que designer, tout ce que je promouvais en termes d’éco-conception n’était pas assez pris en compte par mes clients. Pour aider les entreprises à faire mieux, je devais prendre un rôle de “conseil”, et non d’ “exécutant-créatif”.

Désormais, je dispense ma méthodologie d’éco-conception à mes clients ; et en parallèle, en tant qu’élu de mon village de Combloux, je m’occupe de la gestion des déchets. J’ai ainsi bouclé la boucle. Je m’occupe rèellement de l’emballage “du berceau à la tombe” et espère réellement contribuer à ce que les emballages deviennent de moins en moins problématiques pour l’environnement.

Comment expliquez-vous le retour massif des emballages en papier et en carton dans les usages actuels des entreprises ?

Ce n’est pas tant que les entreprises se tournent massivement vers ces types d’emballages : elles se détournent avant tout du plastique. Cette prise de conscience que le plastique était nocif pour l’environnement a été essentiellement déclenchée par la mise en valeur des plastiques marins, qui envahissent nos mers. Cette notion touche deux items très importants pour l’humain : la manière dont le plastique impacte les animaux, et celle dont il nuit à la santé humaine.

C’est ce plastic bashing, renforcé par des législations qui semblent viser essentiellement le plastique, qui pousse les entreprises à se diriger plutôt vers le papier et le carton, pour minimiser l’utilisation du plastique.

Ceci étant, malheureusement, en réalité, il y a toujours plus de communication autour de ces initiatives d’éco-emballage que de faits concrets…

A votre sens, l’emballage en plastique va-t-il totalement disparaître des pratiques des entreprises ?

Aujourd’hui, il est difficile, voire impossible, de se passer du plastique. Le plastique est devenu indispensable dans nos vies, et on n’a pas encore trouvé de solution de rechange. Par exemple, sans plastique, pendant cette pandémie de Covid-19, nous aurions peiné à nous en sortir : seringues, doses de vaccin, protections des personnels soignants, respirateurs… tout est en plastique !

Pour revenir à l’emballage, il faut comprendre que le plastique n’est pas le problème en tant que tel. Le souci est plutôt un problème d’usage du plastique, et notamment son usage unique. Les entreprises se posent encore trop la question de “comment utiliser le plastique”, plutôt que de “pourquoi l’utiliser”. Tout ceci les mène à surprotéger, suremballer, surconsommer cette matière.

En somme, les entreprises utilisent du plastique dans leurs emballages comme elles créeraient des fusées Ariane pour aller chercher leur pain au bout de la rue ! Et ces emballages en plastique ont de telles capacités de protection et de résistance (pas forcément utiles), qu’ils se retrouvent dans la nature, et y restent.

Selon moi, le plastique ne va pas disparaître, mais son utilisation doit être totalement remise à plat :

  • D’un côté, les industriels doivent se poser la question du réel besoin de protection de leurs produits. Par exemple, a-t-on réellement besoin d’enveloppes avec du calage bulle plastique ? Il s’agit d’éviter une utilisation “surfonctionnelle” du plastique.
  • D’un autre côté, le consommateur doit également se poser la question de s’il a réellement besoin de ces emballages plastiques. Cette réflexion se fait seulement aujourd’hui au moment où il jette son emballage : sa réflexion doit remonter au moment où il achète.

C’est donc aux industriels autant qu’aux consommateurs de se remettre en question.

Quelles sont selon vous les grandes tendances de l’emballage les plus prometteuses pour l’avenir ?

J’en parle dans la première période de La révolution de l’emballage : cette révolution amène plusieurs tendances intéressantes.

Ainsi on voit émerger le développement de matériaux d’origine renouvelable (par exemple, les plastiques faits à partir de cellulose), ou encore les matières recyclées.

Cette révolution a sonné le glas de l’emballage non-recyclable. Demain, il sera impossible de créer un emballage ne pouvant être recyclé. Mais ce n’est pas le fondement de cette révolution en soi.

Cependant, les tendances qui vont véritablement révolutionner l’emballage sont celles qui mettent fin à la notion d’usage unique. L’objectif doit être de complètement réinventer l’emballage autour de la notion d’usage multiple, de réemploi.

Mais d’autre part, cette tendance du réemploi touche aux problématiques des nouveaux modes de distribution. L’emballage à usage unique avait un sens pour la vente en réseau (d’hypermarchés, essentiellement), où le consommateur allait vers le produit. Désormais, c’est de plus en plus le produit qui va vers le consommateur.

C’est ainsi que l’on voit émerger des leviers qui vont dans le sens de cette révolution : le développement de matériaux d’origine renouvelable (par exemple, les plastiques faits à partir de cellulose), ou encore les matières recyclées.

En somme, les tendances les plus prometteuses ne sont pas les emballages eux-mêmes, mais les nouvelles manières d’emballer, dans des conditionnements réemployables.

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Votre livre parle de “la première période de la révolution de l’emballage”. Quels seront, selon vous, les grands axes de la période suivante de cette révolution ?

L’année prochaine sortira la deuxième partie de mon ouvrage : elle aura pour sous-titre L’expérimentation de nouveaux modèles. Ainsi, la deuxième période de cette révolution consistera à expérimenter certaines des solutions dont je parle dans le premier livre, pour savoir lesquelles doivent être développées massivement.

Expérimentation des modèles de réemploi, de nouveaux modèles d’emballages, de nouveaux systèmes de distribution… Tout ceci demande de laisser le temps au temps ! On va sans doute voir émerger de nouvelles solutions d’emballage ; mais on arrive surtout à un moment où il faut que l’on teste, qu’on voit les résultats de ces solutions, pour choisir ce qui fonctionne réellement.

Si vous deviez décrire l’emballage du futur en quelques mots, comment le décririez-vous ?

L’emballage du futur sera forcément…

  • Recyclable
  • Recyclé (soit fait à partir de matière recyclée)
  • Léger
  • Et aura les mêmes fonctionnalités que l’emballage d’aujourd’hui

Mais j’aimerais aller plus loin : l’emballage du futur, c’est tout simplement “le juste emballage” : le juste matériau, la juste quantité… Aujourd’hui, nous vivons dans l’époque du “sur” : surfonctionnalité, suremballage, surconsommation… Notre but doit être de remplacer le “sur” par le “juste”. Et c’est d’ailleurs ce dont parle le livre que je sors en septembre, qui s’intitule L’emballage, ça sert à rien ! sauf….

Quels conseils pourriez-vous donner à une entreprise qui souhaite mener une réflexion poussée sur l’avenir de ses emballages ?

Tout d’abord, je conseillerais d’arrêter de prendre des décisions en silos. Il est nécessaire de mettre tous les services de l’entreprise autour d’une même table, et de travailler tous ensemble autour d’une méthodologie solide. Cela permet d’éviter les transferts entre les différents pôles.

Mais surtout, je leur conseillerais de mener leur réflexion avec une réelle conviction. Car, si l’on part du principe que l’emballage éco-responsable est un avantage concurrentiel, qu’il s’agit d’une demande des consommateurs, ou que la loi nous le demande… on part nécessairement avec un handicap. Il faut avancer avec un véritable engagement, qui permet de prendre les bonnes décisions.

Pourquoi avoir choisi de faire rédiger la préface de votre livre par la PDG du Groupe RAJA ?

J’avais déjà prévu la sortie du livre avec deux préfaces : celles de Brice Lalonde (ancien Ministre de l’Environnement) et Brune Poirson (ancienne secrétaire d’Etat à la Transition Ecologique).

Puis, j’ai rencontré Danièle Kapel-Marcovici, PDG du Groupe RAJA, pour lui présenter le livre, et échanger sur le sujet. De fil en aiguille, nous nous sommes rendu compte que nos visions sur l’emballage et son devenir avaient beaucoup en commun, et ce, depuis longtemps !

C’est ainsi que Danièle m’a proposé de créer une édition spéciale “RAJA” du livre, dont la préface tourne autour des 5 R de RAJA. Cela faisait écho au R de la Révolution de l’emballage, et c’était si proche de ce que RAJA faisait au quotidien, que ça semblait tout naturel.

RAJA a donc produit cette édition, avec une introduction signée par Danièle, pour expliquer pourquoi l’entreprise s’associait à la révolution de l’emballage. RAJA était déjà dans sa révolution depuis plusieurs années, était persuadée que cette révolution était indispensable, et qu’elle en étaient un moteur. Ce sont deux destins similaires qui se sont rencontrés, in fine.

Quels sont vos prochains projets ?

En septembre sort mon nouvel ouvrage, L’emballage, ça sert à rien ! sauf…. Le titre est provocateur, mais l’idée est surtout de promouvoir le “juste emballage”, dont nous avons parlé auparavant.

Je souhaite expliquer ce concept, et donner les clés pour développer le “juste emballage” : celui pour le produit vendu emballé, celui pour le produit proposé en vrac, vendu par correspondance, pour la restauration, mais aussi le “juste zéro emballage”, car ce n’est pas parce que le consommateur final ne voit pas l’emballage que ce dernier n’a pas été nécessaire pour lui donner accès au produit… J’y rappelle toutes les fonctions de l’emballage, toutes ses obligations ; puis je propose une méthodologie pour développer ce “juste emballage”.

En parallèle, en tant que consultant, je continue à accompagner beaucoup d’entreprises. C’est mon vrai métier, avant d’être auteur : j’accompagne de grands groupes et des PME à faire leur transition emballage comme il se doit.

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Merci à Fabrice Peltier pour cette interview inspirante ! Envie d’en découvrir plus sur l’emballage de demain ? Commandez dès maintenant le premier tome de La révolution de l’emballage.

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