MagicPallet : l’échange de palettes pour répondre aux enjeux écologiques du transport

8 min lecture 27 juillet 2021

Les idées les plus ingénieuses partent toujours d’une problématique de terrain.

magicpallet-pierre-edouard-robertL’histoire de la start-up MagicPallet prouve bien cette idée. Nous avons interviewé son fondateur et dirigeant, Pierre-Edouard Robert, pour en savoir plus sur son parcours, son expérience du transport et de la logistique, et la vocation de MagicPallet : simplifier les échanges de palettes, et faire économiser du budget et du CO2 aux transporteurs.

 

magic-pallet-relocalisation-palettesCrédit photo : Camille Lassus

Quelles études avez-vous fait à la base ?

A l’origine, je ne fais pas du tout partie du monde du transport ! J’ai initialement décroché un diplôme d’ingénieur à l’ESIEA, une école d’ingénieurs du monde numérique à Paris, puis un MBA à l’EDHEC Business School.

Dans un premier temps, j’ai d’ailleurs fait carrière dans le monde de l’informatique. J’ai passé 5 ans chez Bouygues, puis 6 ans chez Colas.

Comment êtes-vous donc rentré dans le monde de la logistique ?

C’est originellement une histoire de famille. Mon beau-père a fondé une entreprise, en 2001, nommée T.M.F Transports. En 2016, il me propose de reprendre les rênes de cette entreprise.

Je me retrouve alors catapulté dans cet univers, alors même que je n’y connais rien spécifiquement. J’ai ainsi dû apprendre sur le terrain, au contact des exploitants et de mon beau-père.

L'idée de Magic Pallet provient d'un constat sur les problématiques des palettes chez les logisticiens

Crédit photo : Camille Lassus

Quelles ont été les missions les plus complexes à prendre en main lorsque vous avez repris cette entreprise ?

Lorsque je suis entré dans le monde du transport, j’y ai trouvé des gens hyper travailleurs, très motivés. Mais j’ai vite constaté qu’ils étaient un peu démunis d’outils et d’indicateurs de performance… et naviguaient parfois à vue. Régulièrement, ils se rendaient compte a posteriori, trop tard, des soucis qu’ils rencontraient, et avaient du mal à anticiper.

L’une de mes missions principales a ainsi été d’apposer sur cette entreprise une couche de pilotage, qui a permis de suivre et surtout d’optimiser sa rentabilité rapidement.

J’ai aussi voulu encourager les initiatives en interne chez T.M.F Transports, car je crois en le pouvoir de l’intrapreneuriat. Il s’agit en fait d’une forme d’entrepreneuriat à part entière, mais dans un environnement maîtrisé.

C’est d’ailleurs avec cette première expérience dans la logistique que vous avez eu le déclic pour MagicPallet ?

Tout à fait ; c’est en tombant sur le dossier de la gestion des palettes que ce déclic est arrivé. Je me suis rendu compte que les transporteurs étaient responsables de rapporter les palettes à leur point d’origine… sans être payé pour ça. Une véritable aberration.

En somme, les transporteurs se battent pour être rentables, mais demeurent fatalistes sur un sujet qui n’a pas de sens, économiquement et écologiquement parlant.

Je l’ai vécu avec un client, directement : notre entreprise lui devait un grand nombre de palettes, depuis assez longtemps. Seulement, toutes mes ressources étaient mobilisées sur des contrats qui, eux, étaient rémunérés. C’est cette situation complexe qui m’a poussé à réfléchir autrement, pour intervenir de manière logique.

Il me semble que vous avez d’abord procédé de manière assez informelle ?

C’est simple : j’ai tapé sur Google “transporteur Toulouse”, et j’ai appelé un certain nombre de confrères pour leur demander s’ils n’auraient pas des palettes Europe à déposer à ce client. En échange, je leur proposais de relocaliser certaines de nos palettes pour leur compte.

C’est ainsi que nous avons réalisé les premiers échanges de palettes. Nous sommes passés de 700 km de trajet chacun, à 5 ou 10 km maximum. Un vrai signe que la collaboration, l’entraide, peuvent effacer une partie d’un problème très épineux.

Cette première expérience positive m’a poussé à multiplier ces initiatives de manière informelle, chez les clients de T.M.F Transports ou chez des confrères, histoire de “se dépanner sur les palettes” à l’époque.

Le principe a tellement bien fonctionné, que j’ai créé une mailing list qui, au bout d’un moment, contenait tellement de transporteurs avides de relocaliser leurs palettes, que c’en devenait ingérable. Il fallait que je trouve une nouvelle solution.

C’est donc comme ça qu’est née MagicPallet ?

C’est ça ! J’ai finalement changé le projet d’échelle, en créant une plateforme web simple, basée sur les mêmes codes que ce que les gens utilisent dans leur vie personnelle. Mes développeurs m’en ont livré une première version en septembre 2018. J’ai ensuite testé la plateforme en situation réelle, avec les transporteurs de la communauté issue de la mailing list jusqu’en décembre.

Dès janvier 2018, nous avons rentré notre premier client ; depuis, de nouveaux transporteurs arrivent toutes les semaines.

Un aperçu de la plateforme MagicPallet, qui permet de localiser des palettes à échanger

Vous avez également gagné des prix rapidement ?

Oui : nous avons lancé MagicPallet au Supply Chain Event, en 2018. Du haut de nos 1,5 employés et de notre stand de 4m2, nous avons décroché le premier prix de l’innovation.

En mars 2019, alors que nous avions collecté des fonds et recruté une équipe plus grande, nous nous sommes inscrits au prix de l’innovation à la SITL. Et nous l’avons reçu ! C’est notamment grâce à cet événement que nous avons commencé à établir des partenariats avec de grandes entreprises, pour positionner MagicPallet chez leurs sous-traitants.

Fin août 2019, nous avons même été reçus au Ministère de la Transition Écologique, où nos interlocuteurs ont été très intéressés par les problématiques que rencontrent initialement nos clients.

Comment fonctionne la plateforme MagicPallet ?

L’idée est simple : même si l’on n’appartient pas au monde du transport ou de la logistique, on comprend immédiatement à quoi MagicPallet sert.

Sur MagicPallet.com, vous accédez à une cartographie de la disponibilité de palettes physiques ou de bons palettes sur le territoire. La plateforme fonctionne sous forme d’annonces, un peu comme sur Leboncoin, où vous pouvez ensuite discuter des conditions de l’échange.

Nous avons également un mode automatisé assez pertinent : lorsque le transporteur s’inscrit, il se créé un profil où il déclare tous ses besoins récurrents en termes de palettes, ainsi que la quantité de palettes qu’il peut mettre à disposition des autres.

magic-pallet-plateforme

A chaque fois qu’un échange de palettes est possible, il est ensuite notifié par mail, et peut lancer l’échange. Nous avons aussi une équipe support à qui il est possible de déléguer toute une partie de ce process.

Chaque transporteur sur la plateforme peut comptabiliser les kilomètres et le volume de CO2 économisés. Nos clients utilisent ensuite ces chiffres dans leurs reportings extra-financiers, pour témoigner de leur politique RSE.

Comment résumeriez-vous la vocation de MagicPallet ?

Notre vocation est de supprimer du monde du transport l’aberration économique et écologique des retours palettes. Notre potentiel en termes d’économie de CO2 est de 326 518 tonnes en France et de 5 266 560 tonnes au niveau européen. De quoi nous donner vraiment envie de nous lever le matin pour faire changer les habitudes !

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Vous parlez de chiffres ; justement, pouvez-vous nous en partager quelques uns, à date ?

En 8 mois, nous avons :

  • évité 85 716 kilomètres à nos clients
  • ce qui représente 75 tonnes de CO non émises dans atmosphère
  • fait économiser 99 519 € à nos transporteurs
  • fait échanger 87 673 palettes

Et ces chiffres sont en augmentation constante ! Le besoin est bel et bien là.

Quel est le modèle économique derrière MagicPallet ?

Nous avons fait en sorte de créer le modèle économique le plus indolore possible pour nos utilisateurs. MagicPallet fonctionne en abonnement mensuel, sans engagement. Chaque utilisateur peut relocaliser autant de palettes qu’il le souhaite, pour 99€ par mois.

Une vraie différence, par rapport à d’autres services de relocalisation de palettes, qui font payer un coût au variable, selon le nombre de palettes relocalisées.

Quels projets avez-vous pour la suite de MagicPallet ?

Plusieurs nouvelles fonctionnalités sont en cours de développement, dont je ne parlerai pas pour l’instant. Je peux aussi vous dire que nous lancerons notre déploiement européen à partir de l’année prochaine, sur 2 pays limitrophes. De vrais challenges s’annoncent à ce sujet : changements culturels, déploiement d’équipes locales… Comme d’habitude, on va apprendre en faisant, en découvrant !

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Crédit photo : Camille Lassus

Finalement, quelle est votre plus grande fierté dans cette aventure ?

Je suis très fier des hommes et des femmes que nous avons recruté. Nous avons parfois fait l’impasse sur des niveaux d’études, des niveaux d’expérience. Nous avons recruté des profils atypiques, mais en jouant la carte du sens, en misant sur la quête de sens écologique et l’envie de construire quelque chose.

Les équipes de MagicPallet dégagent ainsi une énergie incroyable, et c’est une véritable fierté à mes yeux.

Merci à Pierre-Edouard pour ce partage d’expérience et cette interview enrichissante ! 

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