Stocks, livraisons, gestion des opérateurs, préparation de commande… Pendant le confinement, les entrepôts e-commerce ont dû réorganiser une majeure partie de leur organisation.
Pour revenir sur la situation, et en tirer des bonnes pratiques pour les temps à venir, nous avons interviewé Steven Dogoda.
Il est responsable logistique et transport de Noza Distribution, leader sur le secteur de la vente BtoB et BtoC e-commerce d’articles fumeur (feuilles à rouler, briquets, chichas…) et de vapotage (cigarettes électroniques, vaporisateurs…), gérant chaque année 85.000 colis.
Comment avez-vous décidé de réagir, à l’annonce du confinement ?
Notre premier réflexe a été de nous informer au mieux, en démêlant le vrai du faux. En cette période complexe, on entendait beaucoup de rumeurs, notamment des rumeurs de pénuries annoncées, ou de nouvelles organisations à mettre en place.
Trouver les informations officielles, et véritables, était une nécessité, pour rapidement rassurer et mettre en sécurité nos 25 collaborateurs. Mais Noza Distribution étant une PME, nous avons la chance d’avoir une ambiance presque familiale, où nos salariés se font confiance les uns aux autres.
Avez-vous dû faire face à des soucis de stocks ?
Cette crise nous a impacté pendant le début du confinement, car nous étions dans une optique de réduction des niveaux de stock, pour l’inventaire annuel de fin mars. Nous avons ainsi dû totalement réorganiser nos approvisionnements, en repassant commande afin d’éviter d’éventuelles ruptures de stock.
Heureusement, comme nous faisons avons une activité BtoB, nous bénéficions d’un niveau de stock suffisant. Ainsi, certaines typologies de boutiques ayant dû fermer (solderies, growshops…), nous avons pu “récupérer” leurs stocks pour faire face à l’augmentation des commandes BtoC, sans être confrontés à des problèmes de réassort. Nous avons ainsi pu garantir garantir un taux de disponibilité produit au-dessus de 90% sur nos 9000 références.
Vous avez dû également adapter votre organisation logistique. Comment cela s’est-il déroulé ?
Nous avons rapidement fait au mieux pour déployer un maximum d’informations et de moyens à disposition de nos collaborateurs, afin qu’ils puissent venir travailler dans la sérénité, malgré un contexte difficile et pesant.
Ainsi, nous avons veillé à mettre en place une nouvelle organisation logistique dans l’entrepôt :
- Lors de chaque prise de poste, les opérateurs étaient (et sont toujours) invités à nettoyer leurs mains avec une solution hydroalcoolique, à mettre un masque et, s’ils le souhaitent, à relever leur température avec un thermomètre frontal sans contact.
- Nous avons également affiché les consignes relayées par le gouvernement aux points d’entrée et en salle de repos, pour qu’elles restent à l’esprit de tous en permanence.
- Pour éviter au maximum le contact entre les opérateurs dans l’entrepôt, nous avons également mis en place un système de demi-groupes : l’équipe a été divisée en deux, avec une partie travaillant le matin, et l’autre l’après-midi.
- Parce que le travail avec un masque peut être gênant, notamment pendant les activités sollicitant beaucoup d’efforts physiques, nous avons également aménagé des temps de pause pour les opérateurs, qui peuvent sortir prendre l’air dehors, sans masque.
- Enfin, en quittant leurs postes de travail, les préparateurs nettoient leurs postes, à savoir les tables, les écrans tactiles, les poignées des espaces de préparation de commande, et les ordinateurs, grâce à des lingettes et sprays désinfectants mis à leur disposition.
Nous avons également veillé à restreindre l’accès des prestataires extérieurs dans l’entrepôt. Tous ceux qui livrent les marchandises, ou qui prennent en charge les colis et les palettes pour les clients, doivent toujours, à ce jour, rester dans le sas prévu à cet effet.
L’entrepôt logistique de Noza Distribution, situé à Dainville
Avez-vous rencontré des soucis pour vous approvisionner en matériel pour assurer votre activité pendant la période ?
Au début, oui. Une de nos connaissances a eu la gentillesse de nous produire des masques en tissus, en attendant que l’on puisse avoir accès à des masques-barrières “officiels”. Chaque jour, nous découvrions de nouveaux besoins, et nous adaptions au fil de l’eau.
Mais rapidement, nous avons pu nous fournir en masques, gels hydroalcooliques, savons et gants auprès de RAJA. Le service client a su répondre à nos attentes, et les délais, dans un contexte complexe comme celui-ci, étaient optimaux : les délais annoncés étaient de 5 jours, et nous avons parfois été livrés en 24 à 48h.
De plus, face à la crise, et ne sachant pas comment allait être impactée la supply chain, nous avons également surstocké du matériel d’emballage : cartons, scotch, film étirable… RAJA s’est adapté à nos attentes de ce point de vue-ci également, et a assuré la disponibilité de ses produits, notamment grâce à son approvisionnement majoritaire en Europe.
Et côté transporteurs, comment avez-vous vécu la situation ?
En temps habituel, tous nos systèmes de gestion de transport sont automatisés. Seulement, pendant le confinement, chaque jour, un transporteur annonçait une nouvelle mesure : tel ou tel département était saturé, telle ou telle zone n’était plus desservie, les produits n’étaient plus livrés en contre-signature, ou encore des contraintes nouvelles de dimensions étaient déclarées…
Là encore, l’adaptation a été clé. D’une part, nous avons limité la taille de certains colis, grâce à des emballages postaux, pour qu’ils puissent être envoyés directement en boîte aux lettres. D’autre part, nous avons réadapté nos règles de transport : certains transporteurs n’étaient plus proposés à certains clients, car ils ne prenaient plus en charge des colis excédant une taille ou valeur spécifique, par exemple.
Comment s’est déroulée la communication avec vos clients ?
Nous avons beaucoup communiqué avec eux, et ce assez rapidement.
Sur nos deux sites web (Noza Distribution pour le BtoB, et S-Factory pour le BtoC), nous avons intégré des messages rassurants dans les sliders, indiquant que nous continuions à livrer, en appliquant les pratiques anti-contagion.
Le slider du site e-commerce S-Factory
Dans le tunnel de commande, nous avons également pris soin d’informer les clients sur les conditions de livraison pendant la crise. Les délais traditionnels étant rallongés, nous indiquions un délai approximatif, pour les rassurer.
Mais nous avons surtout communiqué sur les réseaux sociaux. Nos opérateurs ont joué le jeu très vite, en acceptant d’être mis en scène dans des posts et stories sur Instagram, Facebook et Twitter. Nous montrions, grâce à du contenu authentique, que nos opérateurs faisaient tout pour respecter les consignes de sécurité et d’hygiène dans l’entrepôt, pour les servir au mieux. En plus de rassurer nos clients, cette initiative a renforcé l’esprit d’équipe dans l’entrepôt.
Quels sont les défis à venir pour vous ? Et plus globalement, pour le monde du e-commerce ?
Chez Noza Distribution, le confinement a paradoxalement été une période positive du point de vue des ventes. Au tout début de la crise, nous avons certes connu une baisse de volume, liée à l’inquiétude générale des Français. Mais très vite, les commandes ont explosé.
Les produits pour les fumeurs ne sont pas en soi des produits de première nécessité… sauf du point de vue des fumeurs eux-mêmes, qui étaient réticents à l’idée de s’approvisionner à l’extérieur, dans un bureau de tabac où ils seraient exposés au virus. Cette période a donc permis à beaucoup de clients de nous découvrir, et de découvrir plus généralement les bénéfices du e-commerce. Je pense qu’on vit donc un nouvel élan du e-commerce.
En ce sens, notre gros challenge est de continuer à proposer aux clients toujours plus de services de qualité, au-delà de nos produits : des délais de réponse plus courts, un traitement toujours plus rapide des commandes, le choix du transporteur et de leurs prix…
Pour l’heure, nous attendons d’observer les comportements des clients dans les prochaines semaines, ainsi que les nouvelles réponses du gouvernement à la crise. Nos efforts de protection des employés et des clients ne s’arrêtent pas : le télétravail est toujours de mise, dès qu’il est possible, et notre équipe logistique continue à éviter au mieux les risques de contamination.
En somme, au quotidien, nous suivons un peu la citation de Charles Darwin, qui dit que “ce ne sont pas les plus forts qui gagnent, mais ceux qui s’adaptent le plus rapidement au changement”.
Merci encore à Steven de nous avoir partagé son expérience, et sa vision de l’avenir du e-commerce !