Dans l’expérience client, le sujet de la logistique du dernier kilomètre s’avère être un point-clé. Comment faire se rejoindre chauffeur et destinataire final, dans les meilleures conditions, pour l’un comme pour l’autre ?
Nous avons interviewé Bruno Sanlaville, directeur d’activité de distribution urbaine du groupe Labatut, au travers de l’entité Vert Chez Vous. Il nous a partagé sa vision de la logistique du dernier kilomètre, nous dessinant ainsi un avenir plus éco-responsable de la livraison BtoBtoC.
Bruno, depuis combien de temps travaillez-vous dans le secteur du transport ?
Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans le secteur du transport. J’ai commencé mon parcours dans ce secteur chez Jet Service, une société lyonnaise à dimension nationale et internationale. Cette entreprise a été rachetée par TNT Express, qui a elle-même été rachetée par FEDEX, entreprise que j’ai finalement quittée fin 2016 pour créer ma propre structure de conseils spécialisée sur les livraisons du dernier kilomètre dans le e-commerce et le retail.
Vous destiniez-vous à un tel parcours dans le transport ?
Pas du tout. J’ai à l’origine fait mes études en école de commerce, avec une orientation dans le marketing et la finance. De 1997 à 2003, j’ai d’ailleurs beaucoup travaillé sur la partie marketing et communication du transport BtoB, de la livraison express BtoB.
Ayant fait le tour de la question, en 2003, j’ai constaté qu’un élément était apparu, qui allait avoir un immense potentiel : le e-commerce.
Pourquoi vous être focalisé aussi tôt sur le e-commerce dans votre parcours ?
A l’époque, le marché était en train de se structurer avec de tous petits acteurs, qui sont désormais devenus géants : CDiscount sur Bordeaux, LDLC sur Lyon, ou Amazon… Or, j’avais bien senti que le marché du e-commerce et du BtoBtoC pouvait être un vrai relai de croissance, un nouveau territoire à explorer pour des transporteurs très spécialisés en BtoB.
Il s’agissait d’un challenge puisque, pour ces transporteurs BtoB, la livraison en BtoBtoC ne demande pas du tout les mêmes process de livraison et peut être destructeur de valeur si mal opéré. On ne livre pas un particulier comme on livre une entreprise ! De 2003 à 2008, notre activité devait mûrir, trouver la meilleure façon d’adresser nos clients. C’était fascinant.
D’où votre intérêt pour la logistique du dernier kilomètre ?
Tout à fait. L’objectif est de faire se rencontrer le livreur et le destinataire qui, en tant que particulier, n’est pas forcément chez lui quand on vient taper à sa porte. Dès 2003, j’ai eu la chance d’être au coeur d’idées révolutionnaires : l’ancienne dirigeante de TNT d’alors avait déjà signé un partenariat avec un point de réseau de proximité, Relai Colis, pour gérer les non-livraisons. Très visionnaire elle avait déjà anticipé l’intérêt de ce marché et le développement du secteur.
Toute cette période était véritablement exploratoire, avec la mise en place de tests pour essayer de trouver les meilleures solutions de livraison. Fallait-il proposer une livraison à domicile, mais se représenter à la porte du destinataire le lendemain, en cas d’instance ? Ou bien proposer le dépôt du colis en point-relai ? Toutes ces questions paraissent aujourd’hui couler de source ; mais, à l’époque, c’était une problématique très neuve, très expérimentale.
Quand avez-vous senti que le marché de la logistique du dernier kilomètre se professionnalisait vraiment ?
En 2007, le marché était véritablement monté en maturité. Les acteurs du transport comme les sites e-commerce se structuraient, se professionnalisaient en termes de transport et de suivi des flux numériques.
Il faut comprendre que, lorsque l’on livre des particuliers, les flux digitaux sont tout aussi importants que les flux physiques. On doit maîtriser la traçabilité des colis, la restitution de ce tracking, l’avisage client (par email ou SMS)… Et c’est bien vers 2007 que l’on a commencé à réellement maîtriser tout ceci.
Mais un autre défi arrive dans les années 2008 / 2009 : le destinataire final ne souhaite plus subir son transport, mais en être acteur. Il veut choisir le dépôt de son colis en point-relai, juste avant d’être livré ; ou bien choisir ses horaires de livraison à domicile. Le transport du dernier kilomètre se complexifie alors encore, pour donner la capacité au destinataire d’agir sur sa livraison.
Pourquoi avoir lancé votre propre activité de conseil dans le transport ?
Après avoir quitté FEDEX, j’ai effectivement créé une entreprise de conseil, qui permet d’appréhender la logistique et la livraison du dernier kilomètre. C’était une évidence, car je me suis toujours focalisé sur cette problématique : comment se mettre en capacité de livrer au mieux le destinataire final ?
A partir de 2015, on voyait apparaître des acteurs du retail qui voulait également s’y mettre, pour affronter la compétition des Amazon et autre CDiscount. Ca a été un élément déclencheur, que de vouloir aider ces retailers à entrer dans le monde des e-commerçants.
En quoi le monde du transport et de la logistique vous inspire-t-il ?
A l’origine, j’avais réellement envie de participer à la construction d’un nouvel écosystème, de suivre un marché en perpétuelle évolution : celui du dernier kilomètre. C’est bien plus qu’une question d’acheminement : c’est véritablement la question de savoir comment je fais pour livrer le dernier kilomètre, à partir de l’agence de distribution. Et c’est inspirant.
Mais j’ai également rencontré des gens fantastiques, qui ont flairé l’opportunité du e-commerce et m’ont également inspiré. Les gros acteurs de l’époque, comme Amazon, Ventes Privées, BazarChic… qui sont passés du garage à la multinationale : voilà qui a de quoi inspirer.
❌ On découvre que la livraison a un coût !! #Amazon coulé par ses coûts de livraisons. Le coût du programme de livraison d’un jour, atteindra 1,5 milliard $ pendant la période des Fêtes afin d’accélérer la livraison gratuite #prime #livraison #oneday https://t.co/O6XhJNXypH
— Bruno Sanlaville (@brunosanlaville) October 27, 2019
Et qu’est-ce qui vous donne envie de continuer sur cette voie aujourd’hui ?
E-commerce, retail… toutes ces questions sont désormais assez basiques, en termes de logistique du dernier kilomètre. Mais une tendance de fond s’affirme de plus en plus aujourd’hui, qui me pousse à continuer dans ce monde : l’éco-responsabilité.
On touche désormais à des pouvoirs de décision inversés. Jusqu’alors, les industriels imposaient un certain nombre de choses aux parties prenantes du transport. Désormais, les consommateurs ont une certaine responsabilité dans leur consommation, et veulent “mieux acheter”.
En somme, le modèle du dernier kilomètre est à changer. Quand les destinataires finaux sont dans des zones urbaines, avec des grands noeuds de concentration de véhicules, on n’est plus en capacité de garantir le même mode d’organisation de la livraison qu’avant. Le challenge est trépidant : quelle réponse éco-responsable offrir pour le dernier kilomètre ? Comment responsabiliser les donneurs d’ordre comme les consommateurs ? C’est ce qui me motive à continuer aujourd’hui.
Les grossistes alertent sur les livraisons, de plus en plus difficiles https://t.co/fjyJD27ZyX Une belle opportunité de convergence et de massification pour découvrir un acteur de la #logistique #urbaine éco-responsable comme @VertchezVous #Livraison #DernierKM #ELU #green
— Bruno Sanlaville (@brunosanlaville) November 27, 2019
Parlez-nous de Vert Chez Vous, dont vous avez pris la direction ?
Vert Chez Vous est loin d’être un nouvel acteur de la logistique du dernier kilomètre, puisque l’entreprise existe depuis 2011. Le groupe Labatut, dont l’entreprise fait partie, a pour ADN de trouver des solutions pour livrer de la meilleure manière que ce soit. La preuve : dès 2013, ils avaient déjà mis en place une péniche associée à une flotte de vélos cargos pour livrer dans Paris intra-muros. La méthode n’était pas industrialisable, et l’opinion publique comme les donneurs d’ordre n’étaient pas prêts à cette évolution… mais c’était fascinant déjà à l’époque.
Au fur et à mesure, Vert Chez Vous s’est structuré. Nous proposons à la fois une activité BtoB d’approvisionnement de magasin, et une activité BtoBtoC, avec une création de valeur sur le point de livraison (installation ou mise en service du produit livré, récupération d’emballage, dépalettisation…).
«Chez @VertchezVous l’energie qui pollue le moins est encore celle que l’on ne consomme pas ou mieux ! C’est pour cela que notre flotte de véhicules est exclusivement constituée de véhicules à moteur électrique ou au GNV» #livraisonUrbaine #DernierKM #dernierKM pic.twitter.com/KBVwsJH9Oo
— Bruno Sanlaville (@brunosanlaville) September 28, 2019
Nous sommes présents à Paris, Toulouse, Bordeaux, Lyon, et bientôt Marseille. Notre objectif est d’appréhender l’approche de la livraison en ville en véhicule propre, que ce soient des véhicules électriques ou fonctionnant au GNV (gaz naturel).
Quelle est la place de la technologie, selon vous, dans l’éco-responsabilité du secteur du transport ?
Les nouvelles technologies vont directement avoir un impact sur l’optimisation, sur l’organisation des livraison.
L’énergie qui pollue le moins est encore celle qu’on ne consomme pas !
Les nouvelles technologies apportent une véritable dimension éco-responsable à notre activité. Elles permettent de :
- Optimiser les tournées de livraison, et donc de réduire le nombre de kilomètres parcourus et le nombre d’émissions de CO2)
- Optimiser le contenu du camion, pour inclure plus de commandes sur une tournée, et déployer moins de véhicules sur la route
- Anticiper, être proactif sur la livraison, pour faire se rejoindre chauffeur et destinataire
- Être dans une économie de l’instantanéité, où le client peut voir le véhicule arriver vers son magasin ou son domicile…
La logistique du dernier kilomètre doit absolument digitaliser son offre et son organisation, pour viser un transport plus éco-responsable.
Merci à Bruno Sanlaville du temps qu’il nous a accordé, pour cette interview orientée green.